Vaccin contre le VPH: un son de cloche différent
Voici un article publié dans le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC) lors du lancement de la campagne de vaccination
« Il y a actuellement plus de questions que de réponses à ce sujet, ce qui devrait nous inciter à davantage de prudence », souligne Abby Lippman, dans la dernière livraison du Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC)1.
Chercheuse en épidémiologie de l’Université McGill, et spécialiste de la santé des femmes, Abby Lippman juge que tant les autorités publiques que médicales doivent prendre un temps d’arrêt afin de se doter d’une vision globale sur la question.
Pas de crise, ni d’urgence
« Contrairement à la polio, il n’y a pas d’épidémie de cancer du col de l’utérus, pas de crise ni de problème majeur qui justifient le sentiment d’urgence provoqué par l’annonce du ministre », souligne la chercheuse dans le JAMC.
Elle rappelle que le cancer du col de l’utérus arrive au 13e rang des cancers mortels touchant les Canadiennes – soit près de 400 décès par année -, « ce qui est relativement peu », explique la chercheuse.
« L’infection au VPH se résorbe dans un délai de moins d’un an chez 70 % des femmes atteintes, et dans moins de deux ans pour 90 % d’entre elles », poursuit la chercheuse. Selon elle, on surestime également les risques de cancer liés au VPH.
Efficacité non démontrée contre le cancer
Plus encore, ni le vaccin GardasilMC ni son concurrent CervarixMC n’ont encore démontré qu’ils sont efficaces pour prévenir le cancer du col de l’utérus3. Selon elle, ces vaccins peuvent prévenir efficacement l’infection aux souches du VPH qui peuvent causer le cancer. « Mais on ne sait pas encore si le vaccin permettra de réduire le nombre de cas de cancer », précise-t-elle. D’après différentes études, on estime d’ailleurs qu’il faudra de nombreuses années avant d’avoir recueilli les preuves à cet égard4.
Abby Lippman soulève aussi une question de santé publique inexplorée jusqu’ici. Et si l’immunité procurée par le vaccin contre le VPH s’avérait de plus courte durée qu’on l’anticipait? Assisterait-on à l’émergence de souches résistantes qui pourraient toucher plus gravement les individus ayant un système immunitaire diminué « comme ce fut le cas avec la grippe aviaire »?, se demande-t-elle.
« Il manque aussi de données quant à l’efficacité du vaccin lorsqu’il est administré en même temps que d’autres vaccins, comme ça arrive dans la pratique », rajoute-t-elle.